Gris... souris.
Un dimanche comme je ne les aime pas, dans la mélasse, gris et poisseux. La fatigue, le trop-plein de la dernière quinzaine se fait lourdement sentir, je rêve d'un dimanche léger et gai, je fais ce que je peux, un bon repas, un gâteau pour le dessert... et puis la mauvaise humeur généralisée s'en mêle, sur un détail tout s'enflamme, et c'est fichu.
J'ai vraiment besoin de prendre l'air en solitaire, l'homme me devance, propose mollement une ballade à ses fils (leur soeur dort), qui, bien entendu, refusent. Il s'en va seul, je me sens coincée. Je comprends trop bien ce besoin de solitude, je me l'autorise bien moins, c'est tout. Et me voilà à 17h au fond du jardin, une clope et puis deux, et je rumine. Sur ma recherche de boulot qui tourne en rond, sur mes envies que je ne sais plus définir, sur le soutien que je ne pense pas avoir. Et puis sur la fatigue générale des nuits hachées par une petite fille parfois tyrannique, des activités des enfants, de tout ce quotidien que j'assure et qui me donne parfois envie de rendre mon tablier, le tout mâtiné de culpabilité ordinaire : je les adore, mais en toute franchise, la perspective des vacances m'angoisse un peu, leur insatiabilité quant au "programme", leurs disputes incessantes...
J'écoute couler le ruisseau. Quand je me décide à lever la tête, je les vois : les chatons du saule. Sous le gris, la brume, le crachin, la nature se réveille quand même, envers et contre tout. Les perce-neige sont bien là, les jacinthes pointent le bout de leur nez. Et je me dis que dans mon brouillard intérieur, peut-être qu'il se passe aussi quelquechose, qui un jour montrera ses fruits...
J'attrape une branche basse et je la déleste de quelques chatons. Je rentre, et on en fait des souris (des souris en chaton, quelle ironie ;-), les souris que mon père nous faisait dans mon enfance, et qui finissaient sur un épi de blé ou un peu de mousse de forêt séchée. Pour mes enfants, je refais les gestes... ces petites souris ont une espérance de vie bien limitée, mais ce soir, elles nous ont apporté la douceur qui manquait.