Chacun son job
Mon aîné a passé ses trois premières années d'école élémentaire avec une enseignante "minimum syndical". Une personne qui fonctionne à l'économie, qui recycle tout (surtout ses cours) à l'infini, qui apprend à ses élèves chaque année les trois mêmes chansons (dont la Marseillaise et l'Hymne européen pour chanter le 11 novembre). Son extrême lassitude n'est même pas justifiée par son âge, elle n'a pas 10 ans de plus que moi. Pas vraiment méchante, ni complètement désagréable, au pire lunatique, capable de vous serrer chaleureusement la main le lundi et de ne pas vous voir si elle vous croise le jeudi. Elle ne corrige jamais les devoirs qu'elle donne, elle doit estimer que c'est aux parents de se charger du travail à la maison, et elle n'a pas complètement tort... sauf que c'est tout de même son rôle de vérifier que les notions abordées sont intégrées, ce qui est loin d'être le cas si on n'en repasse pas une couche. Et puis, 'sont malins nos enfants, et pas super motivés pour faire des devoirs dont l'absence ne sera pas remarquée, et encore moins sanctionnée. Donc, trois années durant, mon aîné, plutôt vif d'esprit et curieux de tout, et au demeurant sans souci majeur d'apprentissage (une chance), s'est coltiné punitions pour bavardage et remarques acerbes dans le bulletin, tempérant ses bons résultats (je reconnais, évidemment, qu'un comportement pénible doit être sanctionné).
Cette année, il a une nouvelle maîtresse, qui est dans une dynamique diamétralement opposée. Enfin, elle est dans une dynamique, quoi. Mon aîné-Café se rend à l'école avec plaisir, n'a pas ramené la moindre punition ni la plus infime remarque, se régale des anecdotes ponctuant les cours et qui les rendent vivants, passe du temps à chercher à la maison divers objets et bouquins se rapportant à ses cours, se met spontanément à ses devoirs et presque avec plaisir, nous raconte la dernière pointe d'humour de sa maîtresse adorée, bref : un nouvel "homme". A l'occasion d'une sortie, j'ai glissé à cette chouette enseignante : "Ca va avec mon Café, il ne vous saoûle pas trop ?", elle m'a répondu : "On m'avait prévenue, mais vraiment, NON, aucun problème, il est discipliné et actif, un régal !". J'en suis donc arrivée à cette conclusion : mon fils s'est ennuyé à mourir pendant trois ans.
Ce qui m'embête à présent, c'est que mon second-Caramel a logiquement hérité de la maîtresse "minimum-syndical". Donc, on voit repasser les mêmes exercices (dans le dernier sur photocopie, il devait identifier une petite annonce, une pancarte, un menu... les prix du menu étaient en francs !), les mêmes chansons, les mêmes poèmes. Et la même lettre au Père Noël. Oui, les devoirs pour la semaine, c'était "apporter un catalogue de jouets". Qu'ils vont donc découper et coller pour faire la lettre au Père Noël (et si cela se passe comme pour mon aîné, la partie écrite se bornera à "cher Père Noël"). Je suis peut-être rabat-joie, mais ça me pose un vrai problème : d'abord, il me semble que Noël est suffisemment mercantile pour avoir besoin de ce genre de support... ne pouvait-elle pas leur proposer d'imaginer, de demander peut-être autre chose, de sortir un peu des clous ?... Ensuite, il me semble qu'à cet âge, les croyances de chacun sont vacillantes et inégales. Mon fils sait que le Père Noël n'existe pas, il me l'a dit clairement l'an passé déjà, et je n'ai pas envie de le maintenir "petit". Il joue le jeu, c'est tout. Et puis Noël, c'est une fête de famille... n'y avait-il pas moyen d'exploiter cette thématique autrement ? Est-ce que LA Lettre, ce n'est pas plutôt l'affaire des parents ?
En-dehors de cela, je me désole un peu de voir la motivation scolaire de mon Caramel fondre comme neige au soleil depuis cette rentrée... Il a quitté l'an passé une enseignante exigeante, mais super drôle et très aimée. Quelques jours après la rentrée, il m'a dit : "Madame X est moins sévère... mais beaucoup moins marrante aussi !". Ce nest rien de grave, il n'est pas vraiment malheureux. Mais depuis que je prends conscience de la métamorphose de son frère, ça me plombe de savoir qu'il passe vingt-quatre heures par semaine avec une personne aussi peu dans la vie.