Cinq minutes
Il n'était pas vraiment prévu au programme, ce petit bonhomme. Sa mère s'est rendu compte de sa présence juste avant qu'il n'arrive, son père en a pris la poudre d'escampette. Alors elle fait ce qu'elle peut, mais les carences sont là. Il vient chez nous deux fois par semaine. Il est extraordinairement accaparant, en recherche constante du regard de l'adulte, sollicite sans cesse. L'an dernier, avec mon petit groupe, j'avais du temps pour lui, et quand on prend le temps, il est capable de belles progressions. Mais cette année, son passage dans le groupe des grands, plus important en nombre, plus structuré dans l'organisation, met cruellement en évidence les besoins de ce petit garçon auxquels nous ne pouvons subvenir. Il est clair que ses difficultés mises à jour nécessitent une prise en charge plus constante, plus individualisée, que nous ne sommes pas en mesure de lui offrir en structure collective -dont ce n'est pas la vocation.
Après discussion avec notre "partenaire sociale" qui suit cette famille dans son quotidien, elle se met en quête d'une autre prise en charge, et trouve une structure spécialisée où il pourrait être accueilli tous les jours. Génial ! Il y a juste un hic : pour s'y rendre, il faut lui trouver un moyen de transport (dont la mère ne dispose pas). Le Conseil Général lui "offre" un trajet d'un quart d'heure... mais la structure en question se trouve à VINGT minutes de son domicile. On propose alors à la mère un accueil de jour et nuit dont elle ne veut absolument pas entendre parler, menaçant du pire si l'on venait à le lui imposer.
Cinq minutes. Pour ces cinq minutes-là, tout est en stand-by, l'évolution de cet enfant, les relations avec sa mère qui se dégradent, notre rôle de prévention qui se dissout dans les c... administratives. Je suis en colère. L'avenir immédiat de ce petit est suspendu à cinq minutes.
Je veux croire qu'une solution satisfaisante sera trouvée, que cet enfant arrivera à l'école avec un sac de soucis allégé, et, au-delà de tout ça, que nous aurons un jour à nouveau en France un gouvernement pour lequel ces préoccupations-là deviendront prioritaires.
Edit du 18/10 : La situation semble se débloquer (négociations pour partager la prise en charge des trajets..). Ouf pour lui, mais que de temps perdu !